Jean Wisniewski est né en 1931 à Aix-Noulette dans le Pas de Calais dans une famille issue du milieu agricole, il a très tôt été sensibilisé à la nature par son père jardinier-bucheron qui lui apprend à greffer les pommiers. A l’âge de 11 ans il commence, comme son frère, à travailler à la mine où il exercera le métier de mineur de fond pendant plus de trente ans, dont 28 à l’abattage, sur différents sites : au 1 de Bully (15 ans), au 2 de Mazingarbe, au 13 de Sains-en-Gohelle, au 4 de Lens puis au 3 de Liévin.
Monsieur Jean Wisniewski n’a pas aménagé son jardin avec des œuvres insolites mais a choisi de se consacrer à des créations vivantes issues de l’histoire minière : les arbres fruitiers et en particulier les pommes. Une première rencontre avec cet habitant a lieu en septembre 2014, dans le jardin devenu verger expérimental situé dans le parc de l’hôtel de ville que la mairie de Bully-les-Mines a mis à sa disposition. Dans ce jardin public créé de toute pièce en 1994, J. Wisniewski a planté 46 arbres fruitiers (pommiers, poiriers et quelques pruniers) dont la moitié vient des terrils alentours. Il l’appelle ce mini conservatoire de pommiers majoritairement issus du bassin minier Malus terra skistos qui signifie la pomme de la terre schisteuse, le schiste étant considéré par lui comme un terreau formidable. Aujourd’hui ouvert au public, il reçoit des écoliers et des amateurs venus chercher des conseils sur la taille et la récolte. Il a également créé deux autres vergers d’expérience dans le secteur. Il participe aussi à de nombreuses expositions où il écoule son stock de fruits, qu’il partage aussi avec une association caritative. Au total, il a recensé plus de 100 espèces de pommiers et 50 de poiriers.
La seconde entrevue s’est déroulée dans son jardin personnel lui aussi exclusivement planté d’une centaine de variétés d’arbres fruitiers.
Sa passion pour les pommes débute tôt, puisqu’il se rappelle qu'enfant, vers 12-13 ans, il se promenait déjà sur les bas-côtés des terrils pour les observer. Une dizaine d’années plus tard, vers l’âge de 25 ans, se promenant à proximité du terril du 5 de Loos en Gohelle, il se souvient avoir découvert un pommier couvert de pommes moyennes. A partir de cette constatation, Monsieur Wisniewski décide qu'il consacrerait le temps de sa retraite à des expériences sur les pommiers comme rechercher des variétés, améliorer leurs saveurs et leurs résistance aux maladies.
J. Wisniewski rappelle que le mineur, avant de descendre au fond de la mine, allait dans son jardin et cueillait des fruits pour son repas du lendemain, appelé briquet. Au fond, à la fin de sa tâche, il avalait son repas, très rapidement et, arrivé à proximité de l’ascenseur, vidait les restes de ce repas dont le trognon de pomme dans les berlines remplies de charbon qui attendaient d’être remontées. Après avoir été triées et le charbon récupéré, les berlines étaient acheminées en haut du terril et étaient renversées pour être vidées. Les restes des briquets étaient négligemment jetés par tout le monde.
J. Wisniewski dit qu’à proximité du terril se trouvaient des terrains agricoles traités avec des produits. La faune locale, les oiseaux et les rongeurs se réfugiaient donc sur le terril. « Les briquets roulaient donc tout en bas du terril là où les oiseaux chassés des environs allaient se réfugier. Le jour où ils ont vu des fruits, ils ont commencé à les manger et des pépins sont tombés et ont séchés au soleil. A l’automne, quand survenaient les grandes pluies, et la tempête, les pépins s’envolaient à proximité et formaient ainsi des niches écologiques, où on pouvait trouver regroupés 5 ou 6 arbres qui en plus polenisaient entre eux. D’où la présence massive d’arbres à fruits sur le flanc des terrils.
En fait on trouvait dans tout le bassin minier des pommiers, poiriers et autres arbres fruitiers (abricotiers, pruniers) sur 20 km², sur le bas des terrils en particulier et sur les friches (au sens de terrains et non des bâtiments) que les Houillères avaient abandonnés.
Durant ses presque 50 années de recherches sur les fruits, en particulier les pommes, J. Wisniewski a pu échanger ses expériences avec des instituts spécialisés ; il a également parcouru la Belgique francophone (Gembloux, Mouscron, Tournai) pour donner des conférences, apprendre et échanger avec des spécialistes. De fait, il s’est intéressé à la génétique et à l’hybridation. En 2014, il a reçu la croix de chevalier de l’ordre du mérite agricole.
Une partie de ses découvertes et de ses « créations » ont été déposées au Verger conservatoire de Villeneuve d’Ascq (qui dépend du Centre Régional de Ressources Génétiques).
J. Wisniewski a écrit plusieurs recueils de poésies dédiés au métier de mineur et à sa passion des pommes.
Photographe au service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel.