Dès 1659, la municipalité du Quesnoy construit un collège, dont elle assure les coûts d'entretien des bâtiments et une partie de ceux de fonctionnement. Installé dans l'hôtel de Poix, près de la porte de Valenciennes, il compte jusqu'à 300 élèves avant de disparaitre pendant la période révolutionnaire. Il renait en 1816, rue de la Flamengrie (actuelle rue Victor Hugo), toujours financé par la ville, mais n'accueille plus qu'une quarantaine d'élèves. Ce n'est qu'après 1848 que le nombre de ces derniers croit de manière continue pour atteindre environ 200 élèves, entrainant ainsi plusieurs agrandissements et modifications du bâti jusqu'en 1874. Plus rien n'est fait ensuite jusqu'au milieu du 20ème siècle (Lycée collège Eugène-Thomas, Le Quesnoy - Informations 1984-85). Les bâtiments, très endommagés pendant la seconde guerre mondiale, sont refaits par tranche (sanitaires, salles de classe, dortoirs...) grâce aux crédits de la reconstruction. Cependant les locaux deviennent vite trop exigus pour accueillir des effectifs scolaires en pleine expansion : le collège compte 198 élèves en 1956, 288 en 1957 et 367 en 1959. Les espaces d'enseignement sont saturés, en mauvais état, et le collège ne peut plus accueillir d'internes alors que beaucoup d'élèves viennent des campagnes environnantes. À partir de 1957, Eugène Thomas (maire du Quesnoy de 1953 à 1969 et ministre ou secrétaire d’État aux PTT de 1945 à 1959) entame des négociations avec le Ministère de l’Éducation Nationale pour obtenir la création d'un lycée dans sa ville afin d'accueillir des enfants de la 6ème à la terminale. Cette édification s'inscrit dans une politique municipale de construction scolaire dynamique initiée avec les écoles maternelles puis étendue aux écoles primaires, restaurées et agrandies pour celles intra-muros ou construites ex-nihilo pour équiper les nouveaux quartiers à l'extérieur des remparts.
Mais ce projet n'est pas adopté sans mal : "La construction d'un établissement de plus de 800 places ne peut se justifier que dans l'hypothèse où le recrutement pourrait être étendu géographiquement [au delà du Quesnoy]. Contre ce projet, on peut faire valoir le nombre relativement important de collèges dans la région, les nombreux projets de construction dans le Nord et le coût élevé de la construction et de l'entretien d'internats. En faveur de ce projet, il y a la situation exceptionnelle dans cette région de la ville du Quesnoy, près de la forêt de Mormal, et qui est restée très verdoyante à proximité de la région industrielle du "pays noir" (...). La construction d'un collège mixte comportant d'importants internats pourraient permettre de dégager les lycées et collèges surpeuplés de la zone industrielle. D'autre part, la situation privilégiée du Quesnoy permettrait d'offrir aux élèves internes des conditions qu'ils ne sauraient trouver dans les établissements du pays noir" (note interne DESUS, novembre 1957, AN 19771590/24). Cette situation dans un cadre naturel préservé a quelquefois valu au lycée du Quesnoy d'être appelé "lycée climatique", bien qu'il ne corresponde pas aux écoles et lycées climatiques institués par décret dans l'après-guerre pour scolariser des enfants dont la santé nécessite un séjour dans une région climatique favorable.
La construction d'un nouvel établissement étant acceptée par l’État, le programme est arrêté en octobre 1957 : le lycée doit, à terme, accueillir 500 internes, 180 demi-pensionnaires et 200 externes. Dans ses premières propositions, qui ne seront pas retenues, l’État avait imaginé commencer par installer l'externat dans l'ancien collège puis construire en plusieurs phases un internat de garçons et un gymnase, puis un internat de filles et enfin un externat neuf. Cependant, dès 1958, la dimension du projet est remise en cause : "Les chiffres prévus pour les externes et demi-pensionnaires sont tout à fait raisonnables, mais je suis sceptique quant au chiffre de 500 internes. Je crois savoir qu'il est basé sur l'attrait touristique du Quesnoy. Mais cet attrait n'est qu'un attrait estival, et même en été, dominical. En semaine, la ville reprend les activités et la passivité d'une ville ordinaire de 3 600 habitants. Et les familles préfèrent les grandes villes, où elles sont sures de trouver des professeurs certifiés. Je crois vain l'espoir de venir recruter dans la région de Denain et jusqu'aux portes de Lille : les habitudes des familles sont difficiles à vaincre : là où a été le père ira le fils. Je constate enfin que le Quesnoy est, pratiquement, au centre d'un cercle de court rayon parsemé d'internats : Cambrai, le Cateau, Landrecies, Avesnes, Maubeuge, Saint Amand les Eaux, Valenciennes. Aucun d'eux n'a l'intention de perdre ses troupes !" (Alamartine, inspecteur du Ministère de l’Éducation Nationale, mars 1958, AN 19771590/24). C'est finalement ce dernier avis qui prévaut pour la conception définitive du programme du lycée, à la fois pour définir la dimension de l’établissement, désormais fixée à 600 élèves dont 200 internes (120 garçons et 80 filles), et accorder la priorité à la construction d'un externat plutôt qu'à celle des internats.
En même temps qu'est établi le programme pédagogique, la ville choisit l'emplacement où le lycée sera construit. Il s'agit d'un terrain à l’extérieur des remparts au lieu-dit L'étang-béni, sur une zone de fortification déclassée. L'emplacement est validé par un architecte du ministère en décembre 1957. Ce choix intègre également une réflexion relative à l'expansion urbaine de la ville rendue nécessaire pour absorber l'explosion démographique de l'après-guerre. Ainsi, l'étude d’urbanisation de ce nouveau quartier est réalisée en même temps que les plans du lycées sont étudiés et le projet est pensé en rapport avec le lycée. L'avenue Léo-Lagrange est percée pour permettre l'accès au lycée et le relier à la gare. Elle doit être bordée d'immeubles d’habitation qui accueilleront les familles dont les enfants seront scolarisés dans l'établissement. Les immeubles, dont la volumétrie et les formes rectilignes sont similaires à celles prévues pour le lycée, sont édifiés entre 1959 et 1967, dates concomitantes à celles de la construction du lycée.
Grâce à ses contacts au gouvernement, le maire obtient que Le Quesnoy fasse partie du plan de construction du Ministère de l’Éducation Nationale pour l'année 1959. Le lycée est intégré à une commande groupée du ministère qui inclut trois autres lycées de la région : Marcq en Baroeul, Lambersart et Liévin. Un arrêté du ministère de l’Éducation Nationale du 16 décembre 1958 nomme Pierre Vivien architecte coordonnateur pour l'ensemble de la commande groupée. A ce tire, il a responsabilité de concevoir les plans, depuis l'occupation du terrain jusqu'aux équipements, afin qu'ils répondent au programme pédagogique fixé par le ministère, d'établir les cahiers des charges techniques, et d'assurer le suivi général des chantiers. Marcel Foyer, architecte communal est nommé, sur proposition du maire, architecte d’opération par le ministre de l’Éducation nationale. C'est à lui qu'il revient de suivre au quotidien le travail sur le chantier et de faire des propositions de modification des plans afin de les adapter aux contraintes et spécificités locales. Un arrêté ministériel du 9 mars 1959 approuve le projet de Vivien et fixe le budget de la première tranche à 356 millions d'anciens francs. Les travaux sont financés par l’État sur les terrains cédés par la ville. En avril 1959, l’État désigne les ingénieurs des Travaux Publics de l’État chargés de contrôler les travaux des lycées qu'il finance.
Désormais, le projet se décompose en trois tranches de construction successives, qui devaient s'achever en 1962, pour pouvoir à terme accueillir 900 élèves :
- l'externat (et aménagement de salles temporaires d'internat dans l'ancien collège, financé par la commune) et des logements de fonction,
- la demi-pension et les cuisines pour 600 "rationnaires",
- les internats de filles et de garçons, des installations sportives (un gymnase de 20x40m, trois plateaux d'éducation physique, une piste de course à pied de 333 m et un terrain de sport), une infirmerie, et des logements supplémentaires.
Le projet du lycée est validé par la Délégation permanente de la Commission Supérieure des Monuments Historiques le 26 janvier 1959, sous réserve que les bâtiments soient repoussés de 15 mètres vers le nord de la parcelle pour être éloignés des remparts de la porte de Landrecies. Cette dérogation est accordée par les Monuments Historiques car il s'agit d'un lycée, qu'il doit être construit en urgence et qu'il n'y a pas d'autres terrains disponibles sur la commune. L'architecte d’État, M. Henri Ducoux, indique dans son rapport de décembre 1957 qu' "Il sera nécessaire d'implanter les bâtiments en diagonale par rapport au grand axe du terrain. Mais ceci n'est pas un inconvénient majeur et peut même donner lieu, avec une composition intéressante, à un effet architectural s'harmonisant bien avec l'architecture des immeubles et des remparts du Quesnoy." La ville cède donc à l’État deux hectares de terrain supplémentaire afin de pouvoir modifier l'implantation du lycée. Le comité départemental des Constructions Scolaires approuve le projet lors de sa séance du 30 janvier 1959.
L'étape liminaire est la construction de l'avenue Léo-Lagrange. Ces travaux sont pris en charge par la ville, tout comme la construction d'un égout et l'adduction d'eau potable, qui concernent aussi bien le lycée que les immeubles de l'avenue. Le budget de cette opération se monte à 250 000 nouveaux francs. Ces travaux doivent obligatoirement être financés par les communes si elles veulent bénéficier d'une prise en charge par l’État des coûts de construction du lycée.
La phase 1 : le bâtiment abritant l'externat et l'administration (ancien collège, détruit en 2016) - les logements de fonction
Ils sont achevés en 1959 pour un coût global de l'opération de 392 millions d'anciens francs. Le lycée de 49 classes est nationalisé en 1959, ce qui implique que l’État assure désormais 70% des frais de fonctionnement (totalité des frais de fonctionnement de l'internat et partie du fonctionnement de l'externat, selon les termes du décret d'application de la loi de 1959 portant réforme de l'enseignement public). Il est inauguré le 13 novembre 1960 par Louis Joxe, ministre de l’Éducation Nationale, déporté à Buchenwald en même temps qu'Eugène Thomas, dont il prend le nom en en septembre 1979.
La comparaison du programme pédagogique validé en décembre 1957 et du plan des salles étage par étage montre que l'architecte a tenu compte des consignes ministérielles. Le programme prévoit, pour les enseignements généralistes, douze salles de cours de 6ème et 5ème, six pour les 4ème et 3ème, et cinq pour le lycée, chaque salle devant pouvoir accueillir au minimum trente élèves. Le nombre de salles prévues pour les 6ème et 5ème est beaucoup plus important que celui prévu pour les autres niveaux, car l'on considère qu'une classe utilise toujours la même salle de cours alors que les classes supérieures se déplacent d'une salle à l'autre en fonction des disponibilités des espaces et surtout de l'utilisation d'espaces spécialisés comme les amphithéâtres et les salles de Travaux Dirigés de sciences. Pour 300 élèves on compte ainsi dix salles de cours en 6ème-5ème, huit en 4ème-3ème, et cinq en lycées. La surface recommandée pour une salle de classe normale de quarante élèves est de 58 m2, mais le programme conseille d'avoir des salles plus petites de 45 et 32 m2 pour répondre à certains enseignements spécifiques ou au contraire plus grandes (par exemple pour les permanences). Cette préconisation qui figure dans la circulaire ministérielle de 1952 est mise en œuvre par l'architecte qui propose des salles allant de 35 à 63m2 environ, réparties entre les différents étages. Les localisations des salles d'enseignements spécialisés, comme les trois salles d'histoire-géographie et la cartothèque, la salle de musique, les trois salles de dessin (deux pour le dessin d'art et une pour le dessin technique) ou les cinq salles de langue et cinq salles d'étude qui correspondent aux normes pour les lycées de 800 élèves ne sont pas individualisées sur les plans. Les deux permanences, d'environ 100 m2 prévues par le programme sont positionnées au rez-de-chaussée, de part et d'autre du préau. Au total, le programme prévoyait 42 salles de cours ; l'étude des plans permet d'en dénombrer 40. Le "quatrième étage partiel destiné à recevoir les salles de dessin et de musique" évoqué dans un document du ministère de janvier 1959 n'a jamais été construit (AN F/21/6625).
L'amphithéâtre de physique et celui de chimie, chacun accompagné d'une salle de TD et d'ateliers ou laboratoires, ainsi que les trois salles de sciences naturelles et leurs locaux de collection correspondent aux indications du programme "type III" prévu pour les établissements de 600 à 800 élèves. Au rez-de-chaussée, on trouve les deux bibliothèques des élèves et des professeurs, la salle des professeurs et des ateliers indiqués au programme. Il s'agit d'ateliers bois et fer-électricité pour les garçons et du bloc enseignement ménager pour les filles détaillés sur un plan de 1959 : une cuisine pédagogique, un atelier "repassage" et un atelier "coupe-couture".
Le programme prévoit une surface de cour par élève idéalement de 5 m2. Mais les annotations manuscrites sur le programme indiquent que si quatre cours et deux préaux sont souhaitables, il faudra faire "selon les possibilités". Les deux préaux, créés par évidement de la trame, occupent une surface de 230 m2. Et, bien qu'on ne compte qu'une seule cour, celle-ci occupe une surface d'un peu moins de 4 000 m2, ce qui correspond à l'application des normes.
Il donne aussi des indications sur les locaux administratifs (deux bureaux pour le chef d'établissement, trois pour les surveillants et pour l'intendance mais pas de salle pour la tenue des conseils d'établissement ni de bureau pour un censeur car le poste n'est pas envisagé dans les effectifs), la demi-pension (taille de la cuisine, nombre et taille des salles de restauration pour les garçons, les filles, les professeurs et le personnel), les chambres individuelles pour les surveillants et surveillantes d'internat ainsi que les agents célibataires, ou les logements de fonction (un pour le chef d'établissement, deux pour les surveillants généraux, trois pour les intendants et cinq pour les agents mariés). Les ateliers pour le personnel technique, les équipements sportifs ou la taille des garages à vélo (prévus pour 150 bicyclettes) sont également précisés. Pour les garages pour le personnel et les véhicules de service, seules quatre places sont inscrites dans le programme.
Le devis descriptif fourni par l'architecte (AN 19771499/23) donne des précisions sur le système constructif utilisé pour édifier l'externat : "L'ossature de la superstructure sera en béton armé comprenant les portiques transversaux des planchers hauts de chaque étage, ainsi que les dalles pleines de ces niveaux. (...) Ces dalles auront une épaisseur de 0,35 m et incluront les serpentins de chauffage. (...) Aucune poutre longitudinale en façade ou de refend n'est prévue. L'épaisseur des poteaux intérieurs et des façade sera de 0,164 m. La largeur des traverses des portiques formant soffites en plafond sera de 0,165 m. L'ensemble des portiques devra seul assurer le contreventement du bâtiment. Des trous sont à réserver au coulage des bétons de plancher pour permettre la fixation des murs rideaux (...)." Pour les murs rideaux en panneau d'aluminium, l'architecte précise que : "l'étanchéité à l'air et à l'eau est obtenue par la forme des profilés, sans adjonction de calfeutrement en matières diverses. Les panneaux doivent être revêtus d'une peinture laquée cuite au four", mais aucune précision n'est apportée sur la ou les couleurs à utiliser. Les baies sont "de type coulissant avec une imposte fixe" dans un dormant en aluminium. "Pour les parties en brique des murs pignons [on utilisera] sur toute la hauteur des briques pleines de bonne qualité, de couleur mono-cuisson et disposées en faces vues. Pour les murs de façade dans la hauteur du rez-de-chaussée et les cloisons sur préau [on utilisera] de la brique vernissée. (...) La largeur des joints sera de 0,01 m et en retrait du parement de la même profondeur. (...) L'épaisseur du mur pignon sera de 0,34 cm et de 0,22 cm pour les autres (...)."
La phase 2 : la demi-pension
Au moment de l'ouverture, toutes les salles n'étaient pas occupées et certaines ont servi à l'internat de garçons tandis que les filles étaient logées dans l'ancien collège intra-muros. Dans l'attente de l'achèvement de la nouvelle demi-pension ce bâtiment abrite aussi, jusque fin 1963, la restauration scolaire. Celle-ci devait être initialement inscrite au budget de l’État de 1960 qui finance la totalité des travaux pour 1,3 million de nouveaux francs. Mais un courrier adressé par le maire au directeur de la DESUS en février 1960 indique : "Le dimanche 13 novembre 1960, Monsieur Joxe, alors ministre de l’Éducation, posait la première pierre de la demi-pension. À la date du 1er février 1961, cette première brique se trouve toujours seule. Je ne vous apprends sûrement rien en vous affirmant que cette brique ministérielle et solitaire est devenue, pour la population quercitaine à l'esprit caustique, un charmant sujet de plaisanterie et de mots drôles (...). Je n'arrive pas à croire que l'on ait pu laisser un ministre poser la première pierre d'un bâtiment alors que les crédits pour la construction n'étaient même pas prévus au budget 1960 (...). J'insiste vivement pour que la situation soit régularisée et l'ordre de commencer les travaux donné aux entrepreneurs" (AN 19771590/24). Ce fut fait le 31 mars suivant...
La phase 3 : l'internat (actuel lycée) et le gymnase
À partir de 1961, l’État cherche à revenir sur l'organisation générale du projet en laissant entendre que la réalisation de l'internat dépend de la ville qui peut pour cela continuer à adapter l'ancien collège. Le maire fait de nouveau jouer ses appuis pour faire reconnaitre par le nouveau ministre l'obligation morale de mettre en œuvre le projet validé par son prédécesseur. Un programme pédagogique et sa déclinaison architecturale pour la dernière tranche, conforme au projet initial, est enfin validé en 1965 par la section spéciale des Bâtiments d'Enseignement du Conseil Général des Bâtiments de France. Le plan masse de 1961 montre que, bien que la construction du lycée ait été réalisée en plusieurs phases et que les plans des bâtiments des dernières phases aient évolué au cours du temps, le plan général a été conçu dès le l'origine comme un ensemble homogène. Ceci est par ailleurs confirmé par un courrier de la Commission des Monuments Historiques adressé au Ministère de l’Éducation Nationale validant la dernière phase de travaux "qui s’insère dans le plan d'ensemble antérieurement approuvé" (AN 198804466/119).
Le projet des bâtiments d'internat s'appuie sur un programme pédagogique approuvé en juin 1963 pour 576 internes répartis par moitié entre garçons et filles (ADN 570W159248). Il doit comporter, pour chaque sexe : six dortoirs de 48 lits répartis en boxes de six ou huit lits en fonction de la forme du bâtiment, six études, un grand foyer de 162 m2 et deux petits de 54 m2, un bureau pour le ou la surveillant(e), deux vestiaires et des sanitaires (une douche pour six élèves, un pédiluve pour douze élèves, et un bidet pour six filles). L'infirmerie doit offrir, pour chaque sexe, deux salles avec six lits, deux salles de deux lits et trois chambres pour malades isolés ; ainsi que des locaux pour le personnel soignant comme un tisanerie, un cabinet médical et deux logements pour les infirmières. Des indications concernent également les logements de fonction, en particulier leur nombre et leur surface, cette dernière étant proportionnelle au niveau hiérarchique de l'occupant. Enfin, le programme détaille les installations sportives nécessaires : un gymnase de "type C" de 40x20 m de surface et 7 m de haut avec ses vestiaires, trois plateaux d'éducation physique, une piste de course de 333 m et trois aires de jeux collectifs.
Le projet proposé par Vivien, qui comprend aussi une galerie couverte, un "garage à bicyclettes" et l'aménagement des abords, traduit architecturalement ces contraintes. Lors de sa présentation devant le Conseil Général des Bâtiments de France (séance du 8 juin 1965), l'architecte décrit ainsi son projet : "En continuité de la demi-pension, deux bâtiments d'internat traités sur plan carré, comportant respectivement trois étages sur rez-de-chaussée et niveau de sous-sol pour l'internat de filles. Ces deux éléments étant reliés au rez-de-chaussée par les foyers et quelques études. Chaque étage courant d'internat comporte deux dortoirs de 48 lits desservis par deux escaliers. Les locaux sanitaires, lavabos, douches et WC, sont groupés dans la partie centrale. Le niveau du sous-sol de l'internat de filles comprend les infirmeries de filles et de garçons. Une galerie couverte prolongée permet de de desservir directement les internats depuis depuis l'externat et la demi-pension" (AN F21/6625 et ADN 570W159248).
Le dossier d'avant projet daté de juin 1964 (ADN 603W164455) donne des précisions sur les surfaces bâties : 980 m2 pour l'infirmerie, 5 500 m2 pour l'internat de filles, 4 900 m2 pour celui de garçons, 1 000 m2 pour les foyers, 107 m2 pour la galerie couverte, 320 m2 pour le garage à bicyclette et 1 500 m2 pour le gymnase (cf Devis estimatif). Le rapport de présentation apporte également des précisions sur l'emplacement des différents bâtiments. Ainsi : "le nouveau programme entraine la création d'installations beaucoup plus importantes que celles prévues au plan de masse d'origine. En conséquence, nous avons été amenés à rechercher une composition groupée des bâtiments d'internat et d'infirmerie au nord du terrain, ce qui répond aux demandes formulées par le service des Monuments Historiques. Ces dispositions permettent d'éloigner au maximum les nouveaux bâtiments des remparts de la ville. (...) L'extension des logements, sensiblement doublée par rapport au programme initial, a été obligatoirement scindées en deux parties : extension du bâtiment existant et création d'un nouveau bâtiment des logements de direction. (...) Compte-tenu des logements réalisés en première tranche (six logements de quatre pièces et un logement de gardien) et du programme définitif, le programme d'extension se définit comme suit : un logement de six pièces pour le chef d'établissement, deux logements de cinq pièces pour le censeur et l'intendant, un logement de trois pièces pour un agent marié, deux chambres pour les assistants étrangers. L'espace limité [conservé] pour l'extension lors de la construction du premier bâtiment de logements et l'impossibilité de s'implanter derrière ou à proximité de ce bâtiment ne nous ont pas permis de grouper l'extension des logements en un seul bâtiment. Le bâtiment existant sera donc prolongé et un nouveau bâtiment pour les logements de direction de six et cinq pièces sera implanté en dehors des zones d'accès et de service et à l'écart des installations communes."
Il apporte également des précisions sur la répartition des espaces intérieurs des internats : "Au rez-de-chaussée, les foyers, études et annexes constituent un premier niveau qui abrite la circulation d'accès aux deux internats. Pour chaque internat, les études sont groupées sous les dortoirs et les foyers constituent une annexe semi-indépendante, à accès contrôlable depuis le hall d'entrée. Aucun vis-à-vis n'existe à ce niveau entre les deux internats. Pour chaque bâtiment, six dortoirs de 48 lits sont répartis sur trois niveaux. A chaque niveau, les boxes de huit lits de chacun des deux dortoirs sont orientés Est et Ouest. Il n'y a pas de vis-à-vis entre les dortoirs garçons et filles. Les locaux sanitaires sont en position centrale. (...) La différence de niveaux entre le sol de la cour et le rez-de-chaussée de l'internat a été mise à profit pour accueillir la lingerie, la buanderie, les locaux techniques et un préau."
Le projet est validé en juillet 1964 par le comité départemental des constructions scolaires (ADN 570W159248), car "les dispositions des locaux sont satisfaisantes ; la forme presque carrée des internats, les boxes étant alignés sur les deux façades, les cordonneries et chambres des surveillants sur les pignons et les locaux sanitaires et escaliers en position centrale, apportent une nouvelle conception plus souple et fonctionnelle de ces bâtiments". Il reçoit un avis favorable de l'Inspection Générale de l'Enseignement en octobre de la même année. Il est enfin validé par le Conseil Général des Bâtiments de France - section spéciale des bâtiments d'enseignement lors de sa séance du 8 juin 1965.
Il faut cependant attendre juillet 1966 pour que les crédits de l’État nécessaires à la dernière phase soient débloqués et l'autorisation de programme n'est donnée qu'en avril 1967, pour un budget prévisionnel de 5,350 millions de francs répartis entre les les différentes parties du programme : 3,9 millions pour l'ensemble des bâtiments, 1,3 millions pour les aménagements, 143 000 francs pour les honoraires et 51 000 pour la "décoration" (ADN 570W159248). Financièrement, "la troisième tranche [est] considérée comme un programme nouveau, la modification du programme pédagogique excédant les limites de 10 à 15%. Elle relève du nouveau régime de financement [établi par la circulaire de novembre 1962], soit 2,93% du coût de l'internat et 2,13% du coût des installations sportives" (ADN - 570W159248). La ville participe sous forme de fonds de concours pour un montant de 256 000 francs, correspondant à la valorisation de la mise à disposition du terrain.
Le devis descriptif présent dans l'avant projet (ADN 603W164455) permet d'apporter des précisions sur les systèmes constructifs choisis et les matériaux employés pour la construction. Ainsi, l'architecte fait le choix d'un système poteaux - poutre pour le gymnase et le rez-de-chaussée des internats associé à un voile en béton armé porteur pour les étages, mais de murs porteurs en briques et/ ou parpaings de ciment avec chainages dans l'épaisseur du plancher pour les logements. Pour l'ensemble des constructions, les murs seront en briques pleines, avec un parement en briques vernissées pour les murs pignons ou au choix en briques vernissées ou recouvertes d'enduit pour les autres murs. Pour tous les bâtiments, la hauteur des allèges est fixée à 1,20 m. Les menuiseries extérieures sont en bois (sapin ou chêne) pour les fenêtres mais en acier pour les portes.
A l'intérieur des locaux scolaires, les planchers sont des dalles béton coulées sur place et des hourdis creux pour les autres constructions. Ils sont recouverts de linoléums dans les chambres de l'infirmerie et des logements, mais de parquets collés dans les dortoirs de l'internat. Les murs de refend des internats sont en voile de béton de 16 cm d’épaisseur et en briques ou parpaing de 22 cm pour les logements. Les cloisons internes, de 5 à 19 cm d'épaisseur en fonction de l'endroit où elles sont utilisées, sont en briques creuses enduites de plâtres dans les pièces sèches et de carreaux de faïence dans celles humides. Les cloisons des douches sont en granito. Dans les internats, la hauteur entre 2 planchers est de 3,70 m pour le rez de chaussée et de 3,20 m pour les étages. Les escaliers ont un gros œuvre en béton armé, avec des marches revêtues de gré cérame, comme les paliers et les plinthes, des contremarches recouvertes d'un enduit ciment et des nez de marche métalliques. Les rampes sont en voile de béton avec "une main courante en plastique sur fer plat monté sur écuyer".
Les travaux sont achevés fin 1968, pour un montant de 5,4 millions de francs. Le budget réalisé est donc conforme à celui prévisionnel. A cette date, le lycée compte 1 600 élèves, mais seulement une centaine d'internes. Une partie des nouveaux internats de filles et de garçons est ainsi, dès 1969 et malgré son nom d'internat, dédiée à l'accueil des classes de seconde, première et terminale.
Le petit effectif d'internes a eu d'autres conséquences : l'abandon d'un projet de bâtiment de 600 m2 de deux étages sur rez-de-chaussée semi-enterré qui devait héberger maîtres et maîtresses d'internat "en dehors de temps de service" visible sur un plan de 1968. Il devait être construit lors de la troisième phase de travaux, et devait se situer en bordure nord de parcelle dans l'alignement du bâtiment des logements de fonction, entre l'internat de garçons et la demi-pension. Maitres et maitresses d'internat auraient disposé de neuf chambres installées respectivement aux second et troisième étages, le rez-de-chaussée accueillant un atelier et un garage. La présentation du projet par l'architecte, validé par le Comité Départemental des constructions scolaires du 21 juin 1968 puis par les Bâtiments de France en juillet de la même année, précise que le bâtiment aurait dû avoir "[des] planchers dalle-béton sur refend porteur ; [des] murs périphériques porteurs avec briques de parement extérieure et [une] couverture en bacs aluminium". Le dessin de façade montre une élévation semblable à celle des autres constructions d'habitation du site : toiture à deux pans de pente légère, murs pignons découverts avec peu d'ouvertures, murs gouttereaux percés de baies juxtaposées, murs en briques. Les chambres nécessaires aux surveillants d’internat ont finalement été intégrées dans les bâtiments des élèves.
C'est au cours de cette troisième phase que les galeries de jonction entre les différents bâtiments sont construites. Elles seront refaites en 1994 puis détruites en 2016.
Bien qu'il s'agisse d'une commande groupée de l’État, qui a assuré la maîtrise d'ouvrage des travaux, et que les entreprises locales de BTP n'aient pas été sollicitées pour participer aux adjudications de travaux, ce dont se plaint sans succès auprès du préfet du Nord la Chambre Syndicale des Entrepreneurs et Constructeurs du Bâtiment de la région de Valenciennes en décembre 1958 (ADN - 340W121587), les trois phases de travaux ont été réalisées par l'entreprise Desbarbieux et Cie de Valenciennes, associée à Nord France pour la construction de l'externat.
Il faut noter qu'un peu en avance sur la loi de 1963 instaurant la mixité dans l'enseignement secondaire, le lycée a dès son ouverture accueilli filles et garçons. Une demande d'augmenter de 200 places la capacité d'accueil de la cantine adressée à l'architecte en mars 1960 montre le succès immédiat rencontré par l'établissement. D’ailleurs, un ancien professeur, présent lors de la mise en service du bâtiment, rapporte que les préaux de l'externat avaient été conçus pour abriter 120 élèves... alors que ceux-ci étaient déjà 350 l'année de l'ouverture !
Pour satisfaire à la demande croissante de locaux ou aux évolutions des formations proposées et à celles de la pédagogie, des bâtiments sont ajoutés petit à petit : une salle de sport accolée au premier gymnase en 1990 ; une extension du CDI grâce à la couverture du patio de l'internat de garçons ; une serre (démontée en 2017), des salles de cours accolées à l'extrémité sud du bâtiment du collège et une demi-pension pour accueillir une SEGPA (section d'enseignement général et professionnel adapté) horticole entre 1996 et 1999 ; de nouveaux logements de fonction en 2002. Ces nouveaux espaces sont construits par le cabinet d'architectes Dodat-Villain de Valenciennes, associés puis successeurs de Marcel Foyer.
Après plusieurs campagnes de restauration-entretien des bâtiments, le Conseil Général du Nord, en charge de la partie "collège" de la cité scolaire et de la SEGPA, prend en 2001 la décision de détruire le bâtiment et d'en reconstruire un nouveau en bordure de la parcelle initiale. La démolition a lieu en 2016, après l'achèvement du nouveau collège. Il ne reste actuellement plus trace du premier bâtiment construit par Pierre Vivien. A son emplacement sont construits à partir de 2017, sous maîtrise d'ouvrage régionale, le hall d'accueil du lycée, la maison des lycéens, les locaux de l'administration et une nouvelle demi-pension. L'ancienne demi-pension a été détruite après la livraison de la nouvelle. L'ensemble de la construction du collège et de la restructuration de l'espace dédié au lycée a été confié, après concours, à l'agence d'architectes Otton-Sanchez de Lambersart.
Les locaux des internats de filles et de garçon ont également été améliorés au cours des années : réfection des sanitaires et des chambres d'internat, couverture des patios par une verrière, remplacement des menuiseries des façades à l'identique, rhabillage des impostes des façades avec des plaques de plâtre "deux faces" insérées dans le châssis existant, installation d’ascenseurs, mise aux normes électriques et incendie... Dans le cadre du projet de restructuration, les bâtiments seront modifiés pour accueillir les enseignements scientifiques et linguistiques ainsi que le CDI. Ces travaux ne modifient ni l’aspect extérieur des bâtiments ni leurs distributions intérieures.
Les sources :
Peu d'archives spécifiques aux travaux de la première phase du lycée ont été conservées, et en particulier aucun plan ou projet préliminaire. Cependant, des courriers entre les ministère des Beaux Arts et de l’Éducation nationale relatifs au respect des zones de protection des Monuments Historiques, et en particulier le relevé de décisions du Conseil Général des Bâtiments de France du 20 janvier 1959 (AN F/21/6625), donne plusieurs informations importantes : "La DESUS a confié à M. Pierre Vivien, architecte en chef des Bâtiments Civils et des Palais Nationaux la mission de réaliser avec MM. Clément et Foyer comme architectes d'opération, les 4 lycées pilotes qui seront implantés au Quesnoy, à Lambersart, à Marcq-en-Barœul ainsi qu'à Liévin dans le Pas-de-Calais (...). Monsieur l'architecte en chef ayant précisé que les dispositions intérieures et l'aménagement des locaux étaient identiques pour les 4 opérations, une seule étude d'avant projet est présentée. La construction de ces établissements est une opération d’État, sauf en ce qui concerne l'externat de Liévin, pris en charge par la municipalité avec une participation de l’État".
La pratique de la commande groupée, encore peu fréquente en 1959 pour les établissements secondaires, implique une analogie des documents administratifs, des plans masse (même si ces derniers sont adaptés à chaque typologie de terrain et chaque forme de parcelle), des avants-projets, des techniques constructives et des matériaux. La comparaison entre le projet présenté lors de cette commission, intitulé "Lycées pilotes de Lambersat, Liévin, Marc-en-Baroeul et le Quesnoy" et le relevé de l'existant réalisé en 2015 au Quesnoy confirme que le bâtiment d'externat de la cite scolaire Eugène Thomas est l’application stricte de ce projet. L'ensemble des plans conservés aux Archives nationales relatifs au lycée de Marcq en Baroeul peuvent donc servir de sources primaires pour l'étude du lycée du Quesnoy. De la même manière les deux devis descriptifs détaillés des lycées de Marcq-en-Barœul et Liévin, conservés aux Archives Nationales, sont identiques mot pour mot et sont donc transposables à la construction du Quesnoy. Cette concordance des projets est encore confirmée par la comparaison d'un plan masse de 1959 cosigné Vivien et Foyer du lycée du Quesnoy et du projet du lycée de Marcq-en-Barœul conservé aux Archives Nationales qui montre la similitude des implantations des bâtiments de la première tranche de travaux (externat, administration et demi-pension).
Le cabinet d'architectes Les murs ont des plumes à Valenciennes, successeurs de Dodat - Villain avaient conservé les plans masse, les plans et les élévations proposés par Vivien pour les bâtiments des internats de filles et de garçons. Ces documents ont depuis fait l'objet d'un versement aux Archives départementales du Nord dans la série J2476/1 et 2. Ces dernières conservent également des documents relatifs à la dernière phase de construction de la cité scolaire correspondant à celle des internats dans la série W (Archives publiques postérieures au 10 juillet 1940).
Chercheuse de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Hauts-de-France.