Selon certaines sources, le site de Guise aurait été occupé dès le 6e siècle. Sa position de ville-frontière proche de Laon, capitale des derniers rois francs, est confirmée par le partage de l’empire carolingien lors du traité de Verdun en 843. Cette situation, ainsi que son environnement naturel et la détermination de ses seigneurs successifs, ont favorisé la vocation militaire de la cité qui s’est développée entre le promontoire naturel, sur lequel a été érigé le château, et la vallée de l’Oise, qui a toujours formé un axe majeur de circulation et aurait donné son nom à l’agglomération (Guise : "gué sur Oise").
Une occupation millénaire
Un château appartenant aux comtes de Vermandois est mentionné dès la fin du 10e siècle sur le promontoire naturel dominant l'Oise à l'ouest. Il est alors doté, dans la première cour, d’une chapelle dédiée à saint Gervais et à saint Protais, patrons du diocèse de Soissons. Cette chapelle est érigée en 1052 en église collégiale, qui relève à partir du XIIe siècle de l'évêque de Laon. Elle abrite les sépultures des premiers seigneurs de Guise et des dignitaires laïques et ecclésiastiques, et sert jusqu'au 16e siècle d'église paroissiale aux habitants de la ville. Son enclos regroupe également le cimetière que Charles de Châtillon, duc de Bretagne, comte de Blois et seigneur de Guise, craignant une incursion ennemie lors d’une inhumation, fait déplacer en 1352 autour de l’église succursale Saint-Médard où il est toujours établi. Le château et la collégiale sont relevés par Jacques d'Avesnes après le siège de Philippe d’Alsace, comte de Flandre, en 1180 avant de passer dans le domaine royal en 1185. Le donjon est probablement érigé à cette époque.
Il est difficile d’établir une chronologie des constructions et des aménagements du château, qui est entouré d’une enceinte flanquée de tours au milieu du 14e siècle. La pente plus douce du flanc ouest permet d’aménager un ouvrage d’entrée avec châtelet, formant un pallier depuis la ville vers le corps de place, et relié à l’enceinte urbaine. Un logis seigneurial est mentionné dans l’enceinte du château.
Jean de Luxembourg s’empare de Guise en avril 1424 à l’issue d’un siège de cinq mois. Après sa mort en 1440, sa nièce Isabelle de Luxembourg et son époux Charles d’Anjou, comte du Maine, engagent d’importants travaux de consolidation (mur d’enceinte est, salle basse du donjon, chapelle), mais les travaux amorcés en 1455 sont interrompus l’année suivante, Charles d’Anjou estimant les dépenses trop importantes. Les travaux sont confiés à cette époque à Quentin Aguechiel, "maistre des ouvrages du comte de Guise". La terrasse surmontant le donjon est consolidée en 1457, et le four produit 40 000 briques destinées à la réfection des six salles du donjon pourvues de trente-six fenêtres. Le château est toutefois capable de résister à une nouvelle attaque de troupes impériales en 1486, ainsi qu’à celle de Frédéric de Horn à la tête de milices du Hainaut l’année suivante. À cette époque est probablement aménagée, sur les deux niveaux d’une ancienne tour du châtelet d’entrée, une barbacane équipée d’archères adaptées à l’artillerie légère.
Une forteresse moderne
Lors du siège de 1536 mené par le comte Ludovic de Nassau et le comte de Rœulx, les troupes impériales s’emparent de Guise, qu’elles incendient, et du château. Claude Ier de Lorraine entreprend alors de transformer le castel séculaire en une des plus modernes forteresses d'Europe et une des premières adaptations en France du système bastionné. Les travaux sont attribués à l’ingénieur italien Antonio Castello, chargé en 1538 d’inspecter les places fortes de Picardie, ainsi qu’à l'ingénieur provençal François Mandon de Saint-Remi, qui travaille en 1537 aux "devis et marchés" pour les fortifications de Guise. Cette première campagne aurait été "dédicacée" par la dalle épigraphe au nom du premier duc de Guise, portant la date de 1549, qui était encastrée dans le rempart côté sud-ouest avant de disparaître après la Seconde Guerre mondiale. Les travaux sont poursuivis vers 1560 par François Ier de Lorraine qui fait restaurer l’enceinte urbaine, construire la demi-lune Chanteraine et le bastion de Saint-André, et tracer sur une colline à l’ouest du château le quartier militaire de la Haute-Ville qui ne sera pas mené à bien. La collégiale, incendiée en 1545, est également reconstruite.
Le mur d’enceinte est reconstruit selon un tracé triangulaire qui reprend en grande partie celui des courtines et des tours circulaires médiévales, et que ponctuent les bastions de de la Charbonnière, du Cavalier, de la Haute-Ville et de l’Alouette. Le front vers la plaine au sud est protégé par une demi-lune de secours et une demi-lune de terre. La rampe d’accès depuis la ville est protégée par la Poterne et son mur saillant et mène au bastion de la Haute-Ville qui remplace l’ouvrage d’entrée et son châtelet. Dans le corps de place ne sont conservés que le donjon, le puits, les galeries souterraines et quelques bâtiments, que viennent compléter notamment l’arsenal, la prison et le logis du gouverneur.
Une place forte de frontière
Durant la période moderne, les armées du roi de France et les troupes impériales s’affrontent sans cesse sur la frontière nord-est du pays qui place Guise en première ligne.
En 1641, le duché de Guise est confisqué à Henri II de Lorraine au nom du roi Louis XIII, et restitué l’année suivante à sa mère Henriette-Catherine de Joyeuse, duchesse douairière de Guise, à l’exception du château qui devient une forteresse royale.
À la tête de six mille hommes, le maréchal de Guébriant soutient avec succès le 12 juillet 1636 le siège de l’armée du prince Thomas de Savoie. Le 16 juin 1650, Louis de Bridieu, gouverneur du château, supporte vaillamment avec ses deux mille hommes les assauts de l’armée espagnole commandée par l’archiduc Léopold d’Autriche, qui compte dans ses rangs Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, rallié à la Fronde. L’ennemi s‘empare de la ville mais, devant la résistance du château, lève le siège le 2 juillet.
Vauban, qui séjourne à Guise plusieurs fois en 1673 à la demande de Louis XIV, juge la place encore parfaitement digne d'intérêt et ordonne d’importants travaux de restauration et de modernisation de la forteresse transformée en rase-mottes : durant une dizaine d’années, sous la conduite de l'ingénieur Rivière, les ouvrages défensifs sont remaniés, les accès dégagés et le corps de place remblayé. Les demi-lunes sont réaménagées et les bâtiments sont enterrés d’un niveau pour offrir moins de prise à l’artillerie. Le pavillon du gouvernement militaire et le corps de garde sont construits et le logis du gouverneur est remanié. Les moineaux du 16e siècle sont transformés en bastion (bastion du Moineau) ou en caponnière (redan du bastion de l’Alouette) et casematés.
Cependant, le fort de Guise ne joue plus de rôle militaire. À la fin du 18e siècle, les invalides, les officiers, ainsi que les chanoines et les chantres de la collégiale, disposent de petites maisons et de jardins dans le corps de place dont le glacis sert de promenade aux habitants de la ville. Mais le symbole féodal garde toute sa valeur puisque la "tour" de Guise, dont relève l’ensemble des fiefs du duché, est restituée en 1767 à Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé : les vassaux y présentent foi et hommage dans la salle du premier étage et les titres du duché y sont conservés sous la garde d’un concierge.
Sommeil, néant et Renaissance
La collégiale, transformée en dépôt d’artillerie durant la Révolution française, est détruite en 1801. Les bastions de la ville sont détruits en 1808, mais les derniers vestiges de l’enceinte urbaine, ainsi que la porte Chantraine et la porte du Grand Pont, disparaissent seulement entre 1847 et 1849. En 1815, puis en 1870, le château est envahi par les troupes prussiennes. En 1842, Guise est radiée du tableau des places fortes, mais une ordonnance de 1847 maintient le château comme poste militaire, utilisable en temps de guerre. En 1875, la ligne de chemin de fer de Saint-Quentin à Hirson passe au pied du château, sous lequel un tunnel ferroviaire est creusé. Le fort est déclassé en 1881.
À la tête de la Ve armée, le général Charles Lanrezac mène du 27 au 29 août 1914 à Guise une contre-offensive victorieuse face à l’armée allemande, qui occupe néanmoins le château durant une grande partie du conflit mondial, utilisant le donjon comme poste d’observation. Ce qui explique que l’artillerie alliée ait pilonné le site, entraînant la ruine de la plupart des constructions en superstructure et la disparition du toit en poivrière du donjon qui datait du 16e siècle. La Ire armée conduite par le général Debenney libère Guise et ses environs lors d’une bataille acharnée du 30 octobre au 5 novembre 1917.
Le château est déclassé comme place forte en 1918, puis remis à l’administration des Domaines qui en vend quelques parcelles avant de le remettre à la ville. L’ensemble du château de Guise (donjon et enceinte fortifiée) a été classé parmi les Monuments historiques le 23 février 1923, mais cet arrêté a été modifié sur l’instance du ministre des Finances, et seul le donjon a finalement été retenu pour le classement le 22 juillet 1924. Lors d’une vente publique en février 1925, l’entrepreneur de plomberie et couverture parisien Donadio, achète pour 18 425 francs le lot restant, soit environ 15 ha sur 17 de constructions à demi détruites mais dont les sous-sols sont restés intacts. Il commence à ôter du soubassement des murs les parements de grès qu’il vend au service des Ponts et Chaussées. Le château connaît alors une période d’abandon et de pillage. Donadio revend ensuite l’ensemble à l’entrepreneur de vidange Sonnetqui comble les souterrains de déchets de voirie. Ces avatars provoquent des infiltrations qui minent la base de la colline vers la ville. En février 1957, l’effondrement du mur de soutènement nord-est contraint la municipalité à faire évacuer puis démolir une grande partie des maisons du côté pair de la rue Chantraine, au pied du château. L’année suivante, la bordure comprenant le bastion du Cavalier et les vestiges du logis du gouverneur sont arasés.
Maurice Duton, amateur passionné natif de Guise, fonde en 1952 le Club du vieux manoir et loue en novembre 1954 le site à la veuve Sonnet afin d’entreprendre le sauvetage du château qui est peu à peu déblayé, débroussaillé et consolidé. C’est ainsi que quatre grandes salles et le cellier de l’arsenal sont dégagés, et que les fondations de la collégiale sont mises au jour en 1964. Un an auparavant, Maurice Duton reçoit le premier prix des Chefs-d’œuvre en péril. Le 6 août 1965, le château est cédé à la ville de Guise par les consorts Sonnet, mais il continue toujours à l’heure actuelle d’être animé, restauré et entretenu par le Club du vieux manoir.
Chercheur de l'Inventaire général du Patrimoine culturel, région Hauts-de-France.